Recherche sur les acquisitions massives de terres en Afrique de l’Ouest

Problématique

En 2008, la crise alimentaire mondiale a frappé le monde de plein fouet. Le prix des denrées alimentaires tel que le blé et le riz a doublé et même triplé dans certains cas. Ses causes sont encore disputées, mais on estime que la spéculation boursière ainsi que la ruée vers la production d’agrocarburants sont en grande partie responsable. Cette crise alimentaire a gonflé le nombre de personnes vivant dans la faim à près de 900 millions, et a sérieusement bousculé la confiance de pays dépendant du marché international pour alimenter ses populations. Ceci a en effet mené à beaucoup de pays mieux nantis à chercher à avoir accès aux terres de pays du Sud Globalisé pour leur sécurité alimentaire. Cette acquisition de terres massives pour la production agricole, et plus tard, d’agrocarburants, est une tendance qui se maintient aujourd’hui et même qui s’accélère.

Cette expansion du phénomène dans les terres dites « non-cultivées » comporte un risque important pour les populations locales qui dépendent de ces terres. Dans des pays souffrant d’insécurité alimentaire, la terre est un filet de sécurité essentiel pour ceux et celles qui n’ont rien d’autre, surtout, par temps durs.

Le phénomène d’acquisitions massives de terres arables, par de tiers États et de plus en plus, par des groupes d’investisseurs à des fins de spéculation, ont poussé certains pays à développer des politiques et à se munir de nouvelles lois pour assurer un plus grand contrôle ou souveraineté sur leurs terres arables. Paradoxalement, dans la région du monde qui est la plus touchée par cette vague d’acquisitions des terres, l’Afrique subsaharienne, il y a très peu de travail en cours par les gouvernements quant à l’élaboration de stratégies, de politiques, de législations, de programmes pour encadrer ce phénomène.

L’acquisition massive des terres arables dans le Sud

Le phénomène d’acquisition ou d’accaparement – terme introduit et popularisé par des groupes d’activistes opposés au phénomène– de terres agricoles est relativement récent, et s’est accru drastiquement au cours des dernières années. Parmi les premières organisations à documenter les récents cas d’acquisition de terres agricoles, il y a FoodFirst Information Action Network (FIAN), mais surtout l’ONG GRAIN qui a produit un imposant document dans lequel plusieurs cas de transactions de terres agricoles sont répertoriés, notamment à des fins d’exportation et de production d’agrocarburants. C’est en partie grâce au travail de ces organisations, de regroupements de la société civile et des médias que les critiques se sont fait entendre sur la place publique.

L’acquisition massive de terres arables en Afrique subsaharienne

Depuis l’introduction des programmes d’ajustement structurel et la libéralisation des marchés, l’agriculture familiale, à la base de l’autosuffisance alimentaire des années 60 et 70 en Afrique, n’arrive plus à nourrir convenablement la population. En 2008, la hausse spectaculaire des prix des denrées agricoles, combiné à la faiblesse du pouvoir d’achat des classes les plus défavorisées ont plongé l’Afrique dans les « émeutes de la faim ». Cette crise a démontré combien la sécurité alimentaire du continent était fragile et à quel point l’impact de l’agriculture avait été minimisé dans les grandes orientations de développement international. Selon le dernier rapport de la FAO d’octobre 2009, la proportion des gens affamés depuis 2004 n’a fait qu’augmenter en Afrique subsaharienne, jusqu’à représenter 35 % en 2009. Ainsi, les questions de sécurité et de souveraineté alimentaire restent des enjeux cruciaux pour l’avenir des pays africains.

Bien que les problématiques soient différentes en milieux rural et urbain, les enjeux d’accès à des denrées alimentaires en quantité suffisante, en qualité adéquate et à prix abordable représentent des objectifs communs qui ne connaissent pas les frontières géographiques. Un autre enjeu pour l’Afrique de l’Ouest sera de surmonter ces objectifs en assurant une création et une redistribution de richesses à l’échelle locale afin de réduire la dépendance alimentaire aux marchés étrangers.

Visions contrastées de l’acquisition des terres

Il existe plusieurs visions quant à la place que devrait prendre le l’acquisition des terres. À des fins de classification, De Schutter a identifié trois approches (« scénarios ») différentes et qui peuvent servir à définir l’angle d’analyse abordé par les auteurs selon leur position par rapport à la question ; le scénario de transition, le scénario de coexistence et le scénario des réformes.

Scénario de transition Scénario de coexistence Scénario des réformes
Descriptif Ce scénario favoriserait le développement de l’agriculture des pays du sud par une transition du système agraire composé de fermes familiales vers un système de grandes fermes industrielles. Selon ce scénario, il est possible d’instaurer un système agricole « gagnant-gagnant » entre les investisseurs et les gouvernements hôtes Son cadre d’analyse s’articule particulièrement autour d’une approche basée sur le droit et sur des investissements orientés vers l’agriculture familiale plutôt que vers de grandes exploitations hautement capitalisées.
Qui supporte ce scénario Cette vision est influente parmi certains investisseurs privés, mais ne reçoit que très peu d’attention de la part des agences internationales, des ONG ou des milieux académiques, mis à part quelques exceptions. Les gouvernements donateurs, certaines institutions de recherche (comme International Food Policy Research Institute (IFPRI)) des agences internationales (Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO)) d’autres agences des Nations Unies ainsi que la Banque Mondiale et ses différents groupes affiliés dont la Société Financière Internationale (IFC) et le Foreign Investment Advisory Service. Des experts comme De Schutter qui prétend que le souligne que le scénario de réformes demeure le plus avantageux pour les agriculteurs des pays hôtes, car elles permettraient de protéger le droit à la terre des usagers.

Pour lire ce descriptif avec détails et références : voir le cadre de la recherche et la justification de la recherche de la revue de littérature.